DuboisUn léger picotement. Voilà comment l’on sort de ce roman. Un léger picotement du côté du cœur. Ce trouble diffus résulte de l’ambiance ambivalente de ce récit aux nombreuses entrées.

 

C’est un duo étonnant qui nous accompagne durant toute l’histoire, deux personnages diamétralement opposés. Dans une cellule de la prison de Bordeaux au Canada, un caïd se voit collé un monsieur-tout-le-monde, le narrateur, comme compagnon. Leurs échanges offrent un humour délicieux et sans tabou.

Entre ces scénettes, c’est la vie de Paul qu’il nous raconte. Deux parties dans cette folle aventure, de Toulouse à Skagen, en passant par le Québec. La première, c’est la vie de son père, pasteur danois perdu dans sa vie, en crise de foi permanente. Son itinérance sous l’œil de son fils, montre les plus beaux moments de cette histoire complexe et offre son titre au roman. La deuxième, c’est la carrière d’intendant d’une résidence luxueuse du narrateur. Quelques notes moins originales et qui peinent à trouver une cohérence sur la globalité dans l’ennui de ce palace privé.

Outre le grand talent de l’auteur pour trouver des personnages et des situations rocambolesques, il manque un petit quelque chose à ce roman. Peut-être une direction claire, un argument plus déterminent qui nous éviterait de voir arriver la fin bien avant qu’elle ne pointe sa tendresse surannée. La plongée dans les circonvolutions de Paul perd en efficacité dès l’instant où il ne bouge plus. L’intendant passionne moins que le fils du pasteur.

La raison de son enfermement aurait pu donner une légère étincelle à l’intrigue. Cela échoue. Le mystère s’évente rapidement. Au fond, l’intérêt de l’auteur se porte sur une inexorable fatalité, comme si la joie ne devait jamais qu’être teintée de nostalgie.

Il reste de cette visite étrange d’un moment de vie, non pas une triste désillusion mais une fraicheur pleine d’espérance.Entre Harley, église enfouie, cinéma révolutionnaire, orgue Hammond, rats de prison, aviatrice indienne et piscine interdite, Paul trouve son bonheur et le perd, pour mieux renaître à nouveau là où tout a commencé.

Tous les hommes n’habitent pas le monde de la même façon / Jean-Paul Dubois

 

Philippe