Lorsqu’un livre pour adolescent nous donne une véritable leçon de littérature, le choc de la lecture laisse place à une multitude d’émotions. Ce récit définitif parle de la vie, de l’exclusion, de l’amour, maternel, fraternel ou charnel, de la maladie, de la révolte, de la mort aussi. Il s’incarne tellement dans la réalité que ses incursions dans l’imaginaire n’en sont qu’une poursuite évidente.

Milly Vodovic est fille d’immigrée bosniaque. Elle a douze ans. Elle a la rage de vivre. Elle aime son frère. Elle est une fille. Elle a un coeur qui pulse de courage. Tout paraît ici simple et comme mile fois raconté : le racisme, l’éveil des sens, les ados-enfants jouant aux jeux trop sérieux des adultes. Et, pourtant, l’histoire de Milly va plus loin. Elle nous emporte dans une envie de désobéissance, dans un songe, dans la passion pure et fragile. Où se trouve le réel ? Dans les sourires que dissimule le terrible quotidien ? Dans cette histoire pour enfant, ce conte plus terrifiant encore qui s’infiltre petit à petit dans sa ville et sa vie ? Vivons-nous réellement ou bien ne sommes-nous que les personnages d’un roman plus vaste ?

Et le garçon né de la pluie ? Qui est-il vraiment au fond lui ? Le monstre ou l’ange ? Se plonger dans Milly Vodovic, c’est savoir qu’on en sortira, une volée de pages plus loin, douché de sensations contradictoires, et frappé par la puissance du moment vécu. Le style de Nastasia Rugani est étonnant. Elle émaille son texte de formules qui accrochent et déstabilisent parfois. Elle en transforme le sens et se joue de son lecteur comme la poésie sait si bien le faire.

Le seul regret serait de voir ce livre se maintenir, étriqué, dans la case du roman jeunesse, alors qu’il pourrait briguer un public bien plus large et bouleverser quelques codes de la littérature générale.

Attention, les monstres se dévorent, mais sont-ils toujours uniquement de papier ?

Milly Vodovic / Nastasia Rugani

Philippe

Et l'avis de Philippe en vidéo...