Murakami SLV 5J’ai lu « L’étrange bibliothèque », de Haruki Murakami. « Ça alors... », me direz-vous, un bibliothécaire qui lit Murakami ; un bibliothécaire qui ouvre un livre dont le titre contient « bibliothèque »… Mais j’assume le stéréotype, et je vous en parle !

 


Murakami propose ici une nouvelle illustrée par Kat Menschik. Le héros/narrateur est un jeune garçon, bien sage et docile, qui se dirige naturellement vers sa bibliothèque municipale parce qu’une question lui est venue : « Tiens, au fait, comment s’y prenait-on, dans l’Empire ottoman, pour collecter les impôts ? » (ou comment séduire un bibliothécaire). Mais il est, en un claquement de doigts, entraîné dans une situation improbable et inquiétante…

On dit de Murakami qu’il est le créateur d’une nouvelle littérature ; je dirais « oui et non ». Je n’ai pas pu m’empêcher, lors de cette lecture, de penser aux nouvelles fantastiques de Maupassant ou de Gautier : l’obscurité propice à la perte des frontières entre le rêve et la réalité, ou la femme fantasmée, invisible au yeux de tous, et pourtant si réelle à ceux du narrateur. Par d’autres aspects, sa culture de la fiction fantastique est indubitablement japonaise. La proposition de l’imaginaire n’a pas de barrières ; et elle permet d’arriver tout naturellement à un : « Oui, mais tout de même, je trouve que c’est dépasser les bornes que de vous découper le crâne à la scie et de vous aspirer le cerveau ! » adressé à une homme-mouton. C’est l’association de ces deux mondes, le romantisme onirique du XIXe siècle français et l’improbable fantastique japonais, qui fait de Murakami un auteur littéralement hors normes et particulièrement savoureux (association magnifiée par les illustrations de Kat Manschik). Je n’ai encore jamais lu d’autres plumes capables de passer si facilement du gentil conte à l’angoisse profonde, ou de conclure par une situation si dramatique comme s’il s’agissait d’un « happy end ».

J’ai cependant été mal à l’aise à la lecture de certains mots de Murakami (traduits par Hélène Morita). La perception que l’on a des mots peut-elle être si différente d’une personne à l’autre, d’une langue ou d’une culture à une autre ? Je ne peux les citer ici car, sortis de leur contexte, ils perdraient tout leur sens. Vous jugerez donc vous-même !

L'étrange bibliothèque / Haruki Murakami

 

Lauriane